Auteurs : A. Merot, R. Chargé, E. Debenest, V. Bretagnolle, A. Martineau, E. Dedeban

L’énergie éolienne est considérée comme une alternative renouvelable aux combustibles fossiles, mais avec le développement croissant des parcs éoliens, la menace qui pèse sur les oiseaux est une préoccupation grandissante. La vulnérabilité d’une espèce dépend de sa morphologie, de son comportement, de sa démographie, de son habitat ou de son statut de conservation. Afin d’évaluer le risque de perturbation voire de collision avec une éolienne, il est donc nécessaire de collecter des données sur les espèces concernées, ce qui peut s’avérer difficile si celles-ci sont rares, insaisissables ou nocturnes. Les caractéristiques de vol, notamment la hauteur de vol, constituent un facteur crucial pour évaluer les risques de collision et les comportements d’évitement. Aujourd’hui, la télémétrie GPS haute résolution a révolutionné l’acquisition de données, car elle permet de collecter des données avec une résolution de 1 seconde.

Dans une étude conjointe entre le CEBC-CNRS et le GODS, 12 années de données GPS ont été collectées sur l’outarde canepetière principalement dans les plaines du sud Deux-Sèvres afin d’évaluer le risque potentiel des parcs éoliens pendant la reproduction ou la migration. Cet oiseau des steppes est considéré comme en danger en France où sa population à déclinée de 94% entre 1982 et 1996. Les facteurs de déclin concernent la baisse de fécondité due par exemple à la diminution des ressources alimentaires en invertébrés, la destruction des nids pendant les récoltes, ainsi que la perte et la dégradation de l’habitat. La mortalité des adultes est également devenue un problème en raison des abattages illégaux, des collisions avec des lignes électriques voire possiblement avec des éoliennes. Afin de combler ces lacunes, les données GPS des outardes ont été mobilisées afin d’estimer la mortalité due au risque de collision avec les éoliennes, à partir des caractéristiques du comportement de vol.

Crédit photo : François Giboin

À partir d’un ensemble de données disponibles comprenant pas loin de 9 millions de positions GPS, il a été constaté que les outardes, pendant la saison de reproduction, passaient moins de 1% de leur temps à voler, les mâles volant environ deux fois plus que les femelles. L’activité de vol maximale était observée au crépuscule, en particulier chez les femelles. Également, 18 à 60 % de tous les vols avaient lieu à une hauteur comprise dans la portée des pales et cela, davantage la nuit et davantage chez les femelles que chez les mâles.

À partir de la répartition spatiale des outardes et des éoliennes dans la région étudiée, le risque de mortalité était supérieur à 1 % par an par rapport à un paysage sans éolienne. Cette augmentation induit un taux de mortalité des adultes d’environ 10 % dans une région où les éoliennes seraient implantées à proximité des outardes. Cette augmentation de la mortalité semble insoutenable pour cette population déjà menacée et sous pression par de multiples facteurs.

Ces analyses montrent qu’une distance tampon de 2 km entre toute nouvelle éolienne et les mâles reproducteurs semble sûre, mais que des distances plus courtes augmenteraient inévitablement le risque du nombre de collisions. Il est intéressant de noter qu’un effet important des lignes électriques jusqu’à 1 600 m sur le comportement de vol des grandes outardes a été détecté de manière similaire. Le choix de sites pour les parcs éoliens qui minimisent l’impact potentiel sur les oiseaux dont la conservation est préoccupante reste le moyen le plus efficace de réduire les menaces. L’observation et le suivi des réactions comportementales des oiseaux, l’élaboration de modèles démographiques et de distribution (ou spatiaux) et la création de cartes prédictives seront importants pour affiner les impacts au niveau des populations afin d’étayer les décisions relatives au développement des parcs éoliens.

Ce bref résumé est issu d’un article scientifique en collaboration entre le CEBC-CNRS et le GODS et paru dans la revue Biological Conservation : https://doi.org/10.1016/j.biocon.2025.111391