Le plan Écophyto, dont, faut-il le rappeler, la première version date du « Grenelle de l’environnement«  de 2007, fait partie du projet agroécologique pour la France et vise à réduire progressivement l’usage des pesticides en France de 50% d’ici à 2025, ce qui inclue  un éventuel arrêt du glyphosate. Agriculteurs, collectivités locales, professionnels liés aux espaces végétalisés et particuliers sont ainsi mobilisés pour changer leurs pratiques et de nombreuses ressources et outils issus des travaux scientifiques et d’expérimentations à petite échelle, sont désormais disponibles[1].

Lors des manifestations agricoles en janvier 2024, le gouvernement a décidé de le suspendre.

Impacts et alternatives aux produits phytosanitaires

Cette décision de suspendre Ecophyto face à l’injonction de la FNSEA et du lobby agro industriel est un mauvais signe envoyé à la collectivité. Les scientifiques ont montré l’ampleur de l’impact des pesticides sur la santé humaine, les agriculteurs étant les premiers concernés : maladies respiratoires, troubles cognitifs, maladie de Parkinson, cancers, etc…

Ces pesticides, dont on retrouve trace dans tous les milieux, ont un impact lourd sur l’environnement, provoquant notamment un effondrement de la biodiversité animale et végétale. Cette érosion accélérée de la biodiversité, qui affecte entre autres les oiseaux des milieux agricoles, entraîne une réduction drastique des services naturels, pourtant essentiels pour la durabilité du système, qu’elle rend gratuitement à l’agriculture (rétention de l’eau, pollinisation, prédation des ravageurs, …).

Or il est prouvé que des solutions alternatives au « tout chimique » existent et apportent aux cultures une protection efficace contre les maladies et les ravageurs tout en maintenant le revenu sur l’exploitation. On peut citer  par exemple les associations de cultures, les mélanges variétaux, les rotations, l’agroforesterie permettant la création de paysages diversifiés avec des zones non cultivées (haies, bosquets, bandes enherbées ou fleuries dans les bordures des champs).  

Le GODS est par ailleurs engagé dans le programme Santé de Territoire afin d’aborder le défi majeur de la capacité à la fois des agriculteurs et des jardiniers à changer de pratiques pour limiter, voire arrêter, l’usage de pesticides, et celui des  habitants de faire des choix de consommation responsables, leur permettant de réduire leur exposition et celle de leur territoire

Le courage politique de ne pas opposer agriculture et environnement.

Ce plan Ecophyto, dont l’application hésitante n’avait pas permis de réduire significativement l’utilisation des pesticides dans l’agriculture en France, aurait dû être renforcé plutôt que mis à l’arrêt. Les agriculteurs sont contraints dans leurs pratiques et se retrouvent prisonniers d’un système agroindustriel omniprésent en amont (semences, intrants, machinisme agricole) et en aval (fixation des prix, stockage, transformation, distribution) qui limite leurs marges de manœuvre et de décision. Ils en subissent directement les conséquences en termes de revenu et de santé.

C’est donc aux politiques publiques d’impulser une transition forte qui concerne l’ensemble des filières agricoles et alimentaires, en offrant une meilleure rémunération aux agriculteurs qui s’engagent dans des pratiques respectueuses de l’environnement et de la santé, et en les accompagnant efficacement pour la transition.

Changer l’indicateur de réduction des produits phytosanitaires ? Ou comment casser le thermomètre pour faire tomber la fièvre.

Le gouvernement français vient d’abandonner l’indicateur NoDU au profit de celui européen HRI. Ces indicateurs quantitatifs, par nature imparfaits et complexes  sont nécessaires pour le suivi et l’évaluation des politiques publiques.

    • Le NoDU agricole (nombre de doses unités) est l’indicateur référent du plan Ecophyto depuis 2008.

 Sans rentrer dans les détails, il est calculé tous les ans en divisant chaque quantité de substance commercialisée par une dose de référence à l’hectare, la « dose unité » qui s’appuie sur les doses homologuées lors d’un traitement.

Par exemple si 10 tonnes d’une substance sont vendus en 2023, et que sa » dose unité « est de 100 gr/ha, nous aurons un  NoDU  de 10 000 /0,100 = 100 000.

 Ce NoDU permet bien de mesurer l’évolution de l’usage des pesticides, il est pertinent pour réduire globalement les risques pour la santé et pour l’environnement. Mais il pose des problèmes pour la complexité du calcul des doses unités.

 De 2009 à 2022  nous constatons une relative stabilité du NoDU, loin de l’objectif de réduction de 50 % du plan  Ecophyto.

    • Le HRI (Indicateur de risque harmonisé)

Il prend en compte la quantité globale des substances actives en intégrant leur toxicité par une pondération (coefficient) selon 4 groupes de risque (faible risque, autorisée, interdiction envisagée, interdites).

Cet indicateur ne prend pas  en compte  des doses d’usage ; son évolution  n’est pas liée  aux efforts de réduction des usages par les agriculteurs, mais au retrait progressif  des produits les plus préoccupants suite  à leur réévaluation ; ceux-ci  seront remplacés par de nouveaux à  évaluer sur le long terme, car ce risque n’est pas abordé dans le dossier d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM)

Le choix du HRI remet en cause le principe même de la réduction des usages des pesticides en agriculture dont la pertinence pour la réduction des risques liés à ces produits est prouvée.

Le  Conseil Scientifique et technique Ecophyto  a donné un avis dans ce sens :

« Quelles que soient les options choisies, le comité alerte sur la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU. Cet indicateur doit continuer d’une part d’être appliqué à l’ensemble des ventes pour caractériser la quantité totale de traitement et d’autre part d’être appliqué aux substances les plus préoccupantes pour quantifier l’effort d’arrêt des substances les plus dangereuses. »